• Un parcours atypique qui a longtemps été un handicap

    Facteur : un beau métier mais difficile… Parcourir à pieds 15 kilomètres par jour, 6 jours par semaine, par tous les temps, chargé de 2 sacoches pleines, cela finit par blesser le corps et m’a obligé à me reconvertir.
    Bien que n’ayant pas le Bac, j’ai décidé de reprendre des études à l’âge de 35 ans pour pouvoir me présenter au concours de Professeur des écoles.
    Mon parcours atypique a été un très lourd handicap à mon entrée dans l’Éducation nationale : j’ai été admis fort peu brillamment en 2000 (au troisième essai, sur liste complémentaire...). J’ai ensuite subi plus que profité de la formation initiale en IUFM. Mais après avoir beaucoup travaillé pour tenter d’apprivoiser mon nouveau milieu professionnel et de m’y intégrer, ce handicap est devenu un atout majeur : je crois pouvoir dire que ce parcours atypique m’a donné un regard très personnel sur le monde éducatif.

    ► Mon projet pour ce métier
    Ce que je souhaite apporter à travers cette série de tribunes, c’est une vision « d’en bas », sans autocensure ni concession sur ce qu’est la réalité du terrain, tout en proposant des alternatives. Car percevoir la réalité d’une institution telle l’Éducation nationale exige la synthèse d’une double source d’informations pour prendre en compte le plus justement possible les enjeux, contraintes et limites imposés par la réalité du terrain :
    ● une première source qui vient « d’en haut » (les décideurs, les politiques, les chercheurs, les journalistes spécialisés dans l’éducation). Les « experts » dans ce domaine ne manquent pas et produisent une inflation de discours.
    ● une deuxième source venant « d’en bas » : seuls les enseignants peuvent l’initier à condition qu’ils ne s’enferment pas dans le pédagogiquement correct, l’esprit de corps et le silence institutionnel.

    L’Éducation nationale ne doit plus être ce cyclope dont la vision ne conduit qu’à une perception incomplète de la réalité : ce sont bien deux yeux agissant de concert qui seuls permettent de percevoir au mieux les distances et les reliefs. Ainsi des réformes concernant la formation des enseignants, qui se bâtissent à partir d’une volonté politique au service d’un projet éducatif. Mais tout enseignant sait bien qu’ensuite, sur le terrain, rien n’est encore fait, car à l’Éducation nationale, il ne suffit pas d’entrer en formation pour espérer être formé…

    Ma conviction profonde est que l’Éducation nationale n’est pas si fragile qu’elle craindrait à ce point les retombées d’une mise au jour de ses dysfonctionnements sur le terrain. Que le monde enseignant sorte du « silence institutionnel » qui prévaut à l’Éducation nationale, qu’il en finisse avec l’esprit de corps, qu’il dise les choses telles qu’elles sont et qu’il propose des solutions… Ce serait faire preuve d’une maturité professionnelle et d’un sens des responsabilités qui forceraient le respect. Et ce serait aussi proposer un outil formidable à toutes ces volontés si promptes à proposer, défendre ou imposer de façon bienveillante, des actions ou pédagogies qui souvent se révèlent peu efficientes ou même contreproductive de par une perception de la réalité totalement floutée.

    En évitant la posture pour le moins confortable qui serait d’en rejeter la faute entière sur le politique, sur l’absence de moyens. À chacun sa part, et les choses s’amélioreront … peut-être.